Potage parmentier {chorizo poêlé}

par Darya

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La dernière œuvre d’Alexandre Dumas s’intitule Le grand dictionnaire de cuisine. L’amateur de bonne tortore qu’il était y raconte toutes sortes d’anecdotes personnelles, de souvenirs, d’histoires, et y livre également toutes sortes de recettes, dont certaines nous sont encore connues aujourd’hui, tandis que d’autres sont – heureusement parfois – oubliées (je pense notamment à la recette du paon rôti à la crème aigre, présenté avec sa tête et les plumes de la queue). Mes entrées préférées sont celles qui concernent des ingrédients ou recettes que Dumas n’aimait pas, mais dont il estimait néanmoins devoir dire quelque chose ; son article sur la cuisine espagnole (qu’il déteste) est vraiment très drôle. La recette que je partage avec vous aujourd’hui contenant de la pomme de terre, c’est sur l’entrée consacrée à celle-ci qu’il convient de s’arrêter. En voici un extrait :

Dumas par Nadar 1855

Alexandre Dumas par Nadaud, 1855

« Cet excellent légume qui met désormais les peuples à l’abri de la famine fut apporté de Virginie par l’amiral anglais Walter Raleigh en 1585.
Cet amiral fut plus connu par son esprit entreprenant et les vicissitudes de sa vie que par l’importation de la pomme de terre, à laquelle tout d’abord on ne fit pas grande attention. […] Quant à la pomme de terre, des préjugés absurdes l’empêchèrent longtemps d’être appréciée à sa juste valeur ; c’était pour beaucoup un aliment dangereux ou au moins grossier et tout au plus bon pour les cochons. Les choses en étaient à ce point, vers la fin du siècle dernier, lorsque Parmentier commença une suite de travaux théoriques et pratiques pour ramener à la culture de la pomme de terre ; il fut assez heureux pour triompher des préjugés et tout le monde fut convaincu des avantages de cette culture. En 1793, les pommes de terre furent tellement considérées comme indispensables, qu’un arrêté de la Commune en date du 21 ventôse ordonna de faire le recensement des jardins de luxe afin de les consacrer à la culture de ce légume ; en conséquence la grande allée du jardin des Tuileries et les carrés de fleurs furent cultivés en pommes de terre ; ce qui leur fit donner pendant longtemps le surnom d’oranges royales en mémoire de la restauration qui en avait fait apprécier l’utilité.
La pomme de terre est réellement une nourriture et une nourriture saine, facile et peu dispendieuse. Son apprêt a cela d’agréable et d’avantageux pour la classe laborieuse des ouvriers qu’il n’exige presque pas de soins ni de dépense. L’empressement avec lequel on voit les enfants manger des pommes de terre cuites sous la cendre et s’en bien trouver, prouve assez qu’elles conviennent à toutes les constitutions. Le choix n’en est ni douteux, ni indifférent ; les grises dont la peau est graveleuse sont les moins bonnes, les meilleures de toutes sont sans contredit les violettes, préférables même aux rouges, connues à Paris sous le nom de Vitelottes. […]« 

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Cette introduction est suivie de quinze recettes à base de pomme de terre. Je pense qu’on peut en conclure que l’écrivain aimait les pommes de terre. Et il n’est pas le seul d’ailleurs. Le potage Parmentier, nommé en l’honneur de l’agronome français sus-mentionné (voir son chouette portrait ci-dessous), met la pomme de terre à l’honneur, mais contient également comme ingrédient de base le poireau, dont l’entrée dans le dictionnaire de Dumas est nettement plus courte et moins élogieuse. C’est tout à fait le genre de potage que j’aime, car il est simple, rapide et vraiment très bon. Je dirais bien qu’on peut difficilement en attendre plus, et vous vous en contenterez peut-être dans son plus simple appareil et sans fioritures, mais j’ai pris l’habitude, ces derniers mois, de l’agrémenter de chorizo poêlé aux épices, afin de lui donner une touche plus relevée, et c’est donc ainsi que je vous présente ce potage aujourd’hui.

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Ingrédients (pour 2 gros mangeurs en plat principal ou 3-4 personnes si le potage est servi en entrée)

– 2 petits poireaux entiers (je n’ai utilisé qu’un poireau et demi car ils étaient gros), bien lavés et finement émincés
– 3-4 pommes de terre farineuses de taille moyenne (j’utilise des Bintje, idéales pour les soupes), épluchées et coupées en dés
– 30 gr. de beurre doux
– 750 ml de bouillon de volaille ou de légumes
– 2-3 c. à soupe de crème entière
– Sel, poivre fraîchement moulu

– 6 à 8 tranches de chorizo (je l’aime fort), d’environ 5 mm d’épaisseur, détaillées en lardons
– 1 c. à café d’huile d’olive
– 1/2 c. à café de thym
– 1/4 c. à café de paprika fumé
– 1/8 c. à café d’ail semoule

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Recette

– Dans un faitout, faire fondre le beurre sur feu moyen. Faire revenir les poireaux à feu moyen-doux, en remuant de temps en temps, jusqu’à ce qu’il soit fondu et translucide. Ne pas le faire colorer. Ajouter les dés de pomme de terre, remuer quelques minutes, puis ajouter le bouillon. Porter le bouillon à ébullition, baisser le feu à moyen-doux, couvrir le faitout et cuire les légumes à frémissements, jusqu’à ce que les pommes de terre soient tendres (environ 20 minutes ou un peu plus).

– Ôter du feu, mixer jusqu’à obtenir un velouté très épais, et vérifier l’assaisonnement en sel et poivre. Ajouter la crème et garder au chaud sur feu très doux.

– Pendant que les légumes cuisent, faire chauffer l’huile d’olive dans une petite poêle. Y ajouter les lardons de chorizo ainsi que les épices. Cuire à feu moyen-fort en remuant souvent jusqu’à ce que le chorizo soit bien grillé de tous les côtés. Réserver jusqu’au moment de servir.

– Servir le potage dans des assiettes creuses, ajouter quelques lardons de chorizo et quelques cuillerées d’huile épicée. Servir bien chaud.

Bon appétit !

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The English-speaking corner

Potage Parmentier with a twist (Potato and Leek soup with fried chorizo)

Did you know that the writer Alexandre Dumas’ last work was a dictionary of cuisine? It is truly a wonderful book, full of witty, funny, and interesting personal anecdotes and memories, stories and recipes. Many of the recipes given by the author (who loved not only to eat, but also to hunt, fish, and cook), are known to this day. Others are, thankfully, forgotten. I am thinking of roast peacock in sour cream sauce, « elegantly » served with its head and spread out feathers ; or grilled nightingale ; or hermit crab, cooked in its shell, which might even be tasty, but sounds a bit sad for some reason. My favorite entries are those about foods Dumas obviously didn’t like, but still thought worthy of mention, like his description of Spanish cuisine, buckwheat bread as opposed to buckwheat porridge, or pelican meat.

Dumont - Portrait d'Antoine Parmentier

François Dumont, Portrait d’Antoine Parmentier. 1812

Today’s recipe is dedicated to potato, and Dumas certainly loved the tuber. He loved it much more than leeks, the other main ingredient in today’s recipe, for which the entry is short, and which doesn’t even contain a recipe. He claims the leek is a Spanish vegetable, and as I just said, he hated Spanish cuisine. At the potato entry, there is a short introduction about how Sir Walter Raleigh brought the potato from Viriginia to Europe in 1585. He writes about how it was long considered an inedible root, and was only given to pigs, until Antoine Parmentier began studying the benefits of the tuber, and wrote all sorts of theoretical and practical treastises which helped change the French people’s minds about it. In 1793, Dumas writes, there was even a decree of the Commune ordering to grow potatoes in Parisian public gardens, such as the Tuileries, which is why potatoes were called « royal oranges » around the turn of the 19th century. He mentions how cheap and yet nourishing potatoes are, and how easy they are to prepare. Following this introduction, Dumas gives fifteen recipes calling for potatoes, such as potatoes « maître d’hôtel » (parboiled, fried, and served with a butter and parsley sauce); mashed potatoes; stuffed potatoes; fried potatoes; potato croquettes, quenelles, and boulettes (little balls); potato salad; potato cake (a sweet one); etc.

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Dumas does not mention how wonderful potatoes are in soups. The soup I am sharing with you today is a classic; it is called Potage Parmentier, in honor of Antoine Parmentier, the 18th century French agronomist who convinced the French to grow and eat potatoes. Many traditional French recipes calling for potatoes as a main ingredient are named in honor of Parmentier. You may have heard of hachis parmentier for instance, a kind of cottage pie made of shredded leftover cooked meat, topped with mashed potatoes, and baked until golden. What I love about this soup is that it is extremely simple, requires no effort whatsoever, and is truly delicious. You could stop right there, and be perfectly happy without thinking of adding anything to it. But I have recently started topping it with a few pan-fried pieces of chorizo, which add a little kick to the otherwise mild and creamy soup.

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Ingredients (Serves 2 as a main dish, or 3 as a first course)

– 2 whole small leeks (I used only one and a half, as they were pretty big), thoroughly washed, and thinly sliced
– 3-4 medium sized starchy potatoes (I used a variety called Bintje, which is great for soups), peeled, and diced
– 30 gr (1 oz, about 2 Tbsp) unsalted butter
– 3 cups vegetable or chicken stock
– 2-3 Tbsp heavy cream
– Salt and freshly ground pepper

– 6 to 8 slices of chorizo (I like it on the spicy side), about 5 mm thick, cut into lardons or small pieces
– 1 tsp olive oil
– 1/2 tsp dried thyme
– 1/4 tsp smoked paprika (Pimentón)
– 1/8 tsp dried garlic

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Recipe

– In a pot, melt the butter over medium heat. Add the leeks, and cook over medium-low heat, stirring every now and then, until the leeks have reduced and the white parts are soft and translucent. Do not brown the leeks. Add the diced potatoes, stir for a few minutes, and add the stock. Bring the stock to the boil, then reduce the heat, cover, and simmer until the potatoes are tender (about 20 minutes or a bit more).

– Remove from the heat, and blend (I use a hand-held blender), then taste for seasoning. Stir in the cream, and keep warm over low heat.

– While the potatoes are cooking, heat the olive oil in a small pan. Add the chorizo and the spices. Cook over medium-high heat, stirring often, until the chorizo is browned on all sides. Set aside until ready to serve.

– Ladle the soup into bowls or shallow plats, add a few chorizo lardons and a few spoons of the spiced oil. Serve hot.

Bon appétit !

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