Carbonnade de sole à la Rodenbach
par Darya
Aujourd’hui, je participe au tour en Belgique. Il s’agit d’un échange de recettes organisé par le site http://www.untourencuisine.com, sur le thème de la cuisine belge. Avant de choisir ma recette, j’ai demandé à mes amis lillois ce que leur évoquait la « cuisine belge », et les réponses furent principalement les suivantes : « moules-frites » et « waterzooi » (que les Belges prononcent « waterzouille », et je n’arrive pas à m’y faire). Moi je pense aussi « crevettes grises » et « meilleures bières du monde ». Dans la réalité, la cuisine belge est très riche et variée, comporte de nombreuses spécificités régionales, dont seule une infime partie a traversé la frontière pour apparaître sur nos menus lillois. En Belgique, on cuisine la bière et le genièvre, le poisson, les fruits de mer et les viandes de mille-et-une façons, on maîtrise les épices, les herbes, la friture, le sucré-salé, le salé tout court, le sucré tout court, les fruits, les légumes ; en bref, on sait cuisiner. La Belgique, si petite soit-elle, regorge de bons produits, de bières, de fromages et de sucreries. Et bon nombre de Belges sont de fins gourmets (ceux que je connais le sont en tout cas).
Bien que nous soyons au début du mois de juin, les températures sont encore quasi hivernales. J’ai donc opté aujourd’hui pour un plat roboratif – mais pas trop – et qui s’est avéré tout à fait approprié pour la saison car il réchauffe et réconforte sans plomber l’estomac. La carbonnade flamande traditionnelle, un ragoût de bœuf mijoté dans un mélange de bière, vergeoise et pain d’épices est ici transformée en carbonnade de sole, un des poissons emblématiques de la mer du Nord (bien qu’il pullule dans toutes les zones côtières d’Europe). Les filets de sole mijotent dans une sauce à base de vergeoise blonde et de Rodenbach, une bière rouge produite à Roeselare (Roulers), une ville située entre Courtrai et Bruges, chef-lieu de la Flandre occidentale. La vergeoise, que les Belges appellent cassonade, a déjà été mentionnée dans un certain nombre de mes billets que vous trouverez ici, ici, ici, et ici. En revanche, je ne vous ai jamais parlé de la Rodenbach, dont l’histoire est vraiment intéressante. La voici, brièvement résumée.
En 1820, Alexandre Rodenbach, un industriel, homme politique et philanthrope flamand (aveugle de surcroît !), descendant d’une famille allemande noble attestée depuis le Moyen-Âge, fait l’acquisition d’une brasserie à Roeselare/Roulers, ville dont il est originaire. Celle-ci reste aux mains de la même famille jusqu’en 1998, date à laquelle elle est rachetée par Palm Breweries, qui fait le choix de perpétuer la tradition de fabrication de la bière portant son nom, en conservant notamment l’emploi des foudres de chêne (les fûts) dans lesquels la bière passe deux ans à mûrir. Ce sont ces foudres qui contribuent à donner à la Rodenbach sa couleur brun-rouge et son goût particulier ; ça, et le mélange de bières vieilles et jeunes (ce fut le petit-neveu d’Alexandre, Eugène, qui instaura ce procédé), l’ajout de sucre au moment de la mise en bouteille, et l’emploi de levures dont les souches remontent aux débuts mêmes de la brasserie (!).
Fraîchement arrivée de Paris, où je n’avais jamais eu l’occasion de goûter de bonnes bières belges, c’est par la Rodenbach, assez douce et sucrée, que je me suis initiée, avant de passer aux choses sérieuses, comme la Chimay ou la Rochefort. Ici, elle pourrait être remplacée par une bière brune de type Westmalle ou Chimay, mais j’ai aimé le mariage de la sole, délicate, avec la bière, assez douce. Si vous aimez la carbonnade flamande traditionnelle, vous retrouverez ici le goût typique du mélange de vergeoise et de bière et ne serez pas dépaysés. L’avantage de la sole est qu’elle cuit infiniment plus vite que le bœuf, et il faudra juste laisser la sauce mijoter et réduire un peu avant de pouvoir profiter de ces saveurs, typiquement belges à mes yeux.
Ingrédients (pour 2 personnes), recette adaptée de celle-ci, j’ai simplement réduit les temps de cuisson car mes soles étaient de taille moyenne et je ne voulais pas qu’elles soient trop cuites.
– 2 soles de taille moyenne (demandez au poissonnier de lever les 8 filets)
– 25 gr de farine tamisée
– 125 gr de champignons de Paris
– 1 oignon de taille moyenne, épluché et émincé
– 2 petites poignées de persil plat, lavées, essuyées, et finement hachées
– 15 gr de beurre doux
– 170 ml de Rodenbach (à défaut, utilisez une bière brune d’abbaye de type Westmalle ou Chimay)
– 5 gr de vergeoise blonde (environ 1 c. à soupe rase)
– Sel et poivre
– Une dizaine de petites pommes de terre, pour accompagner la carbonnade
Recette
– Commencer par la préparation des pommes de terre, afin qu’elles soient prêtes en même temps que la carbonnade. Je les ai faites cuire à la vapeur une vingtaine de minutes, mais on peut aussi les cuire à l’eau ou préparer des frites, c’est très belge, mais ça demande beaucoup de travail.
– Couper les pieds terreux des champignons et nettoyer les chapeaux à l’aide d’un essuie-tout humide. S’ils sont gros, les couper en deux ou même en quatre.
– Mélanger la moitié du persil haché avec les oignons émincés.
– Tamiser la farine au-dessus d’une assiette creuse et y rouler les filets de sole.
– Dans une grande sauteuse, faire fondre le beurre à feu moyen. Ajouter le mélange d’oignons et persil, les champignons et les filets de sole. Faire revenir tous les ingrédients durant environ 4-5 minutes, le temps que les oignons deviennent translucides. Remuer souvent mais délicatement pour éviter que les filets de sole n’attachent tout en conservant leur forme (ils vont beaucoup rétrécir).
– Verser la Rodenbach, ajouter la vergeoise, saler et poivrer généreusement. Porter la bière à ébullition sur feu fort, laisser bouillir une trentaine de secondes puis baisser le feu à moyen-doux et laisser mijoter à petits bouillons une dizaine de minutes, en remuant délicatement de temps en temps. La sauce va réduire et épaissir.
– Servir les filets de sole, accompagnés de pommes de terre vapeur, le tout nappé de sauce à la bière. Parsemer du reste de persil haché.
Bon appétit !
The English-speaking corner
Today, I am sharing a recipe from Belgium, as I am participating in a recipe exchange between food bloggers on the theme of Belgian cuisine. Before choosing which recipe I would make, I asked my local friends what they thought represented Belgian cuisine (we are only 20 kilometers/12 miles away from the border after all), and most of them answered: « Mussels-and-fries » or « waterzooi ». I would have added « tiny brown shrimp » (crangon crangon) and « the best beer on Earth ». Belgian cuisine is actually very rich and varied, with many regional and local specialities, of which only a tiny proportion has come our side of the border (we do have a few dishes in common). The Belgians know how to use beer and local gin in many dishes, they cook fish, seafood, and meat in a-thousand-and-one different ways, they are masters in the art of frying, stewing, using spices and herbs, sweet-and-sour dishes, and they use fruit and vegetables in delicious and unusual ways (unusual to the unaccustomed, that is). They really know how to cook, and they love it (at least my Belgian friends do). Belgium, regardless of how tiny it is, is full of delicious produce, fancy beers, and interesting cheeses. It is truly a gourmand country!
The temperatures here as still quite cold, which is why I chose this comforting dish, which is satisfying, but not heavy. Have you ever heard of Carbonnade flamande ? It is a sweet and sour stew, in which the beef and onions simmer for long hours in a mixture of beer, vergeoise sugar, and day-old gingerbread. I love it. Well, today’s recipe is similar, but I am using sole, a very common fish in Belgium and Northern France. The sole fillets simmer in a mixture of vergeoise sugar and Rodenbach beer, a red beer produced in Roeselare (Roulers in French), a town situated in West Flanders, between Kortrijk and Brugge. Vergeoise, which the Belgians call cassonade, I have already mentioned here amongst other places; it could be replaced with light or dark Muscovado sugar. But Rodenbach beer, I have never mentioned here, and it is time to change that, starting with a brief history of this singular beer.
In 1820, Alexandre Rodenbach, a Flemish manufacturer, politician, and philantropist, whose family was already known in Germany in the Middle Ages, acquired a brewery in Roeselare/Roulers, the town where he was born. This brewery stayed in the family until 1998, when it was bought by Palm Breweries, who decided to maintain the Rodenbach tradition, using special oak casks (called foudre), in which the beer matures for two years. These foudres are a major contribution to the specific brown-red color and taste of Rodenbach beer. Other factors are the mixing of old and young beers (Alexandre’s grand nephew Eugène introduced that technique), the adding of sugar when bottling, and the use of very old yeast strains.
Before arriving in Lille, I had never tasted good Belgian beers, and it is thanks to Rodenbach that I began appreciating them, before moving on to more serious things, like Chimay or Rochefort. It is quite sweet and mild, but if you cannot find it, it could be replaced with a dark Westmalle or Chimay. The mild Rodenbach pairs well with sole, which is delicate. If you have ever tried Carbonnade flamande, you will recognize the specific taste of the beer and sugar mixture, but what is nice about this fish stew is that, unlike the beef version, it only takes about 15 minutes to make! And you will still be able to get a taste of Belgium.
Sole and Rodenbach stew (I adapted the recipe from here)
– 2 medium-sized soles (ask the fishmonger to fillet the fish for you; you will end up with 8 fillets)
– 25 gr. AP flour (about 3 Tbsp)
– 125 gr. (4.4 oz) white/button mushrooms (is there a difference?)
– 1 medium-sized onion, peeled and chopped
– 2 small handfuls of parsley, washed, dried, and finely chopped
– 15 gr. butter (1 Tbsp)
– 170 ml (3/4 cup minus 1 Tbsp) Rodenbach beer
– 5 gr (1 level Tbsp) light vergeoise sugar (use Muscovado if it is unavailable)
– Salt and pepper
– 10 small potatoes, for serving
Recipe
– Start with the potatoes, so that they are ready at the same time as the Carbonnade. I steamed them, but you could boil them. Or be Belgian, make French fries, but it takes much longer, and is much messier.
– Cut the stems off the mushrooms, and clean the caps with a damp cloth. If they are big, halve or quarter them.
– Mix half the chopped parsley with the minced onions.
– Sift the flour over a shallow plate, and delicately dredge the sole fillets in it.
– In a large sauté pan, melt the butter over medium heat. Add the mushrooms, onion and parsley mixture, and sole fillets. Cook for about 4-5 minutes, stirring often, until the onions become translucid. The stirring will prevent the soles from sticking to the pan, but be careful not to break the fillets.
– Add the Rodenbach and sugar, salt, and pepper. Bring the beer to a boil, allow it to boil for about 30 seconds, then reduce the heat to medium-low, and simmer for approximately 10 minutes, stirring delicately now and then. The sauce will reduce slightly and thicken.
– Serve the filets and potatoes in shallow plates, and pour the beer and mushroom sauce on top. Sprinkle with the remaining parsley.
Bon appétit!
Superbe page de ma Belgique ,vraiment bien raconter merciiiiiiiiiii,ta recette me plaîs bcp,je note.N’hésites pas pour le pagnon c’est une tuerie mmmmmm,beau dimanche
Merci d’être passée. Bon dimanche !
What a beautiful portrait of Belgian Cuisine! Truly flattered and impressed! I did not even know the history behind Rodenbach, shame on me.
This is a recipe I will definately try out and hope this will be a good luck beer ;-).
I hope you will find and manage your next Tarte au Sucre! I’m confident you will.
I have never tried it, but as it happens I saw it in Auchan Roncq last week and was wondering how it would taste like? A bit like Chouquettes?
Very nice & mouthwatering recipe 😉
Well, I didn’t know the history behind Rodenbach until I started writing this post! 🙂
I don’t know whether Rodenbach would be the ideal beer for a beef carbonnade (a more flavorsome, darker beer would be best with meat I think), but with the fish, it was perfect.
Tarte au sucre is more like a brioche covered with dark sugar; I wouldn’t recommend buying it from Auchan though, it is best fresh from the bakery! I will try making it again some time. Do you know the « Ferme du Vinage » in Roncq? It is a farm that has a shop, where you can buy meat, dairy, and vegetables from local farms! It is where my FAVORITE cheese on Earth os made: « Fromage sans nom ».
Mmmm! une carbonade drôlement originale!
Merci !
Je ne varie pas bcp quand je cuisine le poisson, ton plat me donne envie de me lancer vers plus d’originalité !
Je suis loin d’être une spécialiste du poisson, mais cette recette permet de varier un peu sans se compliquer la vie ! Si tu aimes la cuisine à la bière, tu devrais l’aimer !
This looks lovely. Thanks for sharing. I love Belgium food and all the little family restaurants you find there. So good.
Thank you! I don’t know much about Belgian food, and enojoyed making this dish very much!
Mmmmm. This looks delicious!
It was! Thank you!
Voilà une version qui me plait énormément! Je n’aurais jamais eu l’idée de cuisiner le poisson avec la bière.
Merci aussi pour ce bel article qui m’a fait découvrir plein de choses.
Très beau dimanche 🙂
J’avais déjà repéré une recette de carbonnade au saumon, mais celle-ci m’a vraiment tapé dans l’œil ! Je suis contente qu’elle te plaise.
Bonne fin de journée
Darya, I have never heard of Carbonnade flamande before; I love how you always introduce me to new things! Belgium is on my list of « go to » countries; I fantasize about their pomme frites and waffles regularly =) This dish looks fabulous — thanks so much, as always, for sharing, lovely; hope you are well! xo
If you ever come to Belgium, do let me know! I am so close, it is just 30 minutes by train from Brussels to Lille. It is a beautiful, welcoming country, with great food and people! And you should taste Carbonnade flamande if you come. It is fantastic.
I sure will, Darya! Thank you! And, likewise, if you ever come to the U.S., specifically to Southern California, let me know as well! We’re moving to San Diego in a few weeks and it would be lovely to meet up with you some day =) xo
Une carbonade de poisson ? Ça me donne envie !!!
Oui, c’est très bon !
cette recette me plait bien , une carbonade de poisson, ! super ça change ! merci pour le partage , bonne journée
Merci pour ton commentaire ! Et oui, c’est vrai que ça change !
les recettes de poissons sont toujours mes préférés!
C’est vraiment un plat qui change et surprend !
Beautiful dish Darya! I’ve been to Belgium many times as I have all of my mom’s family there and I am now feeling nostalgic… Love the frites, beer and chocolat Belge!
Yes, I forgot to mention the chocolate! And I couldn’t agree more about the frites and beer!
Great post, Darya! Didn’t know anything about Belgium culinary traditions. The history is very entertaining too, as always. That’s the kind of recipe perfect for Stefano who is crazy about fish. 🙂 Thank you!
Thank you, Francesca! I myself know very little about Belgian food, but this fish « stew » was certainly delicious!
Bonjour Darya, eh bien c’est une recette pour le moins originale ! Je me rends compte que je connais assez peu la cuisine belge en fait… Ça m’intrigue de savoir ce que ça donne avec du poisson, surtout que les temps de cuisson sont en effet totalement différents !
Et tu m’as donné envie de goûter cette fameuse Rodenbach, mais il semblerait qu’on ne puisse pas la trouver ici (en tous cas j’ai bien cherché au supermarché, où il y avait même de la bière JAPONAISE, mais en vain !). En matière de bière brune, j’ai un péché mignon, mais c’est une production assez régionale, de la côte (autour de Boulogne) : la Noire de Slack. Peut-être auras-tu l’occasion de la découvrir aussi un de ces jours !
Bonne journée !
Je crois que la Rodenbach n’est pas si facile à trouver de ce côté de la frontière ! Je l’ai découverte lors d’un séjour à Bruxelles. Il y a un caviste (biériste ?) à Lille qui en a, Les Caves de Maître Georges, rue Brûle-Maison – j’adore ce nom de rue – et sinon, j’ai obtenue la mienne d’un ami qui a un bar (j’ai de bonnes connexions, n’est-ce pas ?)
Je ne connais pas la Noire de Slack, mais il y a des centaines de bières excellentes autour de Boulogne ! Je serai à l’affût !